C’est chose connue. Un des plaisirs des partisans du centre-droit ou des mouvements conservateurs est l’observation du traitement biaisé des médias. Ils s’obstineront entre eux sur le degré de nationalisme identitaire et économique qu’il est nécessaire d’intégrer dans leur offre politique, ou sur les technicalités et la meilleure façon d’assainir les finances publiques par des programmes plus ciblés et une fiscalité qui incite à une plus grande prospérité économique (et par le fait même une plus grande mobilité sociale), mais ils s’obstineront rarement sur le penchant nettement gauchisant des médias.
De temps en temps, ils seront heureux et étonnés d’entendre sur les ondes ou dans les médias traditionnels, un journaliste ou un chroniqueur qui exprime aventureusement (effrontément?) une opinion qui est la leur. Mais plus souvent qu’autrement, on les entendra le lendemain sur leurs plateformes radiophoniques ou alternatives, offrir le contrepoids ou le contre-argumentaire à une couverture chouchoutant quelques lobbies insignifiants mais ô combien influents, et à un unanimisme confortant.
Et puis, rares sont les articles, reportages ou chroniques qui mériteront leurs éloges. S’ils sont assidus dans leur consommation d’informations, ils apprécieront ceux qui leur apporteront des éléments de contexte et des comparatifs chiffrés (ils sont mordus de chiffres), reconnaîtront que Thomas Gerbet est l’étoile de l’année 2022, et qu’il y a d’excellents dossiers d’enquête dans certains quotidiens..
Mais mises à part quelques exceptions qui le méritent bien, ils notent désespérément que la radio la plus écoutée à Montréal a nettement pris un virage encore plus gauchisant et que les journaux sont noyés d’opinions et d’humeurs massacrantes et polarisantes. Ajoutons à ça que les années pandémiques auront non seulement révélé à ceux qui ne s’en doutaient pas, l’échec catastrophique de l’État à assurer le moindre service public, mais aussi une addiction maladive des politiciens et des médias à encourager avec excès la peur et l’anxiété sous toutes les formes, qu’elles soient de nature sanitaire, climatique, environnementale ou autre.
Oh! On ne pourra espérer qu’un examen de conscience de la part des médias porte sur le médiocre et quasi-hystérique traitement qu’ils ont fait du convoi des camionneurs ou de la pandémie. Au contraire! Au congrès de la Fédération des journalistes du Québec, les plus jeunes mettent en garde contre une prétendue ligne dure d’objectivité. « Est-ce encore du militantisme de ne pas vouloir que la Terre brûle sous nos pieds, de vouloir un avenir ? Qu’allez-vous faire avec nous ? Parce qu’on s’en vient dans les médias et on est quand même bien militants. » Merci bien. On en sera avertis. Ils s’en viennent…
Alors dans ce contexte, on va se le dire, l’essai intitulé Plaidoyer pour l’extrême-centre de la journaliste/analyste politique Hélène Buzzetti est tout à fait surprenant. Lire une telle réflexion provenant d’une représentante de cette élite médiatique est non seulement rafraîchissant et instructif mais, pour reprendre une de ses expressions, « apaisant ». Non. Nous ne sommes pas seuls à voir une sous-représentation d’idées libérales ou conservatrices.
Car en plus, Buzzetti n’y va pas avec le dos de la cuillère. La polarisation politique qui fait se dresser l’une contre l’autre la droite et la gauche n’est pas le fruit du hasard, dit-elle. Clairement, elle se permet même de nommer des noms de collègues du milieu. Courageuse, la fille! Car le modèle économique des médias (l’addiction aux « clics »), l’usage d’étiquettes et de « gros mots » (ploucs, complotistes, etc., ), la confection de trames narratives polarisantes et méprisantes, n’aident en rien l’enrichissement du débat public et la recherche de compromis acceptables, constate-t-elle.
Voici quelques-uns de ses propos. Le bulletin n’est pas joli.
- « Les médias ont beaucoup contribué à la détérioration du débat public et à l’installation de ce climat délétère. »
- « Les mainstream media sont devenus à bien des égards des extreme media qui, tels des cirques d’une autre époque, entendent divertir avec un freak show de la pensée. »
- Par rapport à l’épisode des camionneurs et de la politisation de la politique sanitaire, « les médias sont tombés dans le panneau parce que cela faisait leur affaire de discréditer ces incommodants.» On parle ici évidemment des manifestants.
- « Les médias ont délaissé leur rôle de chien de garde pendant la pandémie. »
Buzzetti reconnaît également le « deux poids, deux mesures », le niveau de tolérance variable des manifestations, tant au niveau des causes qui sont défendues que de leur durée. Elle tente d’expliquer (justifier?) la perception que nous avons que les médias sont de gauche. Les grands paramètres qui encadrent la profession y sont pour quelque chose : l’émotion, la paresse (ou le manque de temps), le profil socio-économique des journalistes et… la peur.
La peur, oui. Des journalistes! Et c’est ici que le portrait est des plus sombres.
- « Les journalistes ne veulent tout simplement pas prendre le risque de se mettre à dos les divers lobbys en remettant en question leur point de vue ou leur grille d’analyse. »
Médias, apeurés de la culture de l’annulation?
- « Mais le fait est qu’avec les moyens de communication d’aujourd’hui, leur pouvoir de nuisance envers quiconque est en désaccord avec eux donne le vertige. Beaucoup ont déjà parlé de la culture de l’annulation et point besoin d’y revenir ici. Suffit de reconnaître qu’elle existe pour comprendre que certains reporters ne veulent pas prendre le risque de s’y frotter. Nombreux sont les exemples où les médias ont relayé sans filtre critique un discours victimaire et, ce faisant, ont abdiqué leur responsabilité. »
Peur des réseaux sociaux?
- « Peur des armées sur les réseaux sociaux, de celles qui, pour un mot rompant avec l’orthodoxie du jour, sont prêtes à dégainer et vous accoler l’épithète de « phobe » qui détruira votre carrière et vous rangera définitivement dans le mauvais camp. Alors on se tait. »
Alors ils se taisent… Ou choisissent leurs sujets. Ou écartent ce qui pourrait les « tagger » d’une étiquette socialement inacceptable. Probablement ce que le chroniqueur Rex Murphy du National Post appellerait la « censure négative ».
Et la prescription est dure à avaler. Selon Buzzetti :
- « Il est temps de recommencer à faire de l’espace à tous les points de vue dans le forum public et ainsi apaiser le débat. »
- « Il faut enfin que nous, les journalistes, entamions une introspection professionnelle pour prendre conscience de certains de nos biais et ainsi redevenir les observateurs dépassionnés et agnostiques de la société et de son forum public que nous avons la responsabilité d’être. »
- « Il faut prendre le temps de dénicher l’intervenant qui oserait amorcer un début de contre-discours. »
- « Il faut réapprendre à juger les idées à leur valeur et non à la valeur de ceux qui les portent. »
Est-ce possible? Cette volonté existe-t-elle? Je vous laisse en juger… ou l’espérer, mais chose certaine, il faut reconnaître le courage qu’elle a eu d’affronter sa propre peur (c’est elle qui le dit) à tenter de jeter les bases d’une réflexion qui peut bousculer son milieu mais qui tout à la fois, a eu le mérite d’apaiser celle qui écrit ces lignes.
Je vous encourage donc à écouter Hélène Buzzetti qui acceptait en début de semaine, une invitation de Ian & Frank d’échanger sur le sujet. Ce pourrait être un beau cadeau de Noël. Pour ceux qui seraient intéressés à lire l’essai, on vous en donne la recette lors du podcast.
Je vous félicite pour votre entrevue avec madame Buzzetti à l’émission de Ian et Frank sur Youtube, c’était très instructif et lucide. Le centre gauche et le centre droite sont les seuls tendances qui peuvent gouverner car les extrêmes gauches et droites ne sont pas l’opinion des majorités au Québec et au Canada.
Pour gouverner il faut faire des compromis alors l’alternance entre les deux centres ramènent le balancier. C’est pour cela que Québec Solidaire ne pourra pas gouverner tant qu’il ne fusionnera pas avec un autre parti (PQ ou PLQ) pour se recentrer et que le Parti Conservateur du Québec naissant doit marginaliser les coucous et se doter d’un programme centre droite intelligent et rassembleur et avoir une équipe crédible comme candidat la prochaine fois.
Les divers camps doivent se parler de façon civilisé malgré des médias avec un biais de gauche avec démonisation et culture de l’annulation des gens plus à droite.