Besoin d’une 4e charte: vraiment?

VoileCe qui me fascine dans le soi-disant débat sur les « valeurs québécoises » n’est pas tant la reconnaissance que cette question mérite réflexion mais c’est ce réflexe qu’ont les dirigeants québécois de verser inconditionnellement dans des solutions absolument démesurées par rapport à ce qu’ils jugent être un problème.

La solution à tous les maux, encore et toujours: une intervention massive de l’État, cette fois-ci avec une 4e charte. Après la Charte des droits et libertés canadienne, la Charte des droits et libertés québécoise, la Charte sur la langue française, voici que nous aurions besoin d’une Charte sur les valeurs québécoises – alors que tout le monde sait maintenant qu’il ne s’agit en rien de valeurs québécoises… mais de valeurs universelles issues de l’humanisme qui se sont peu à peu implantées dans la plupart des sociétés occidentales ». (Lire l’historien Marc Simard ici)

Ce qui est fascinant aussi, c’est de remarquer que les gens qui sont farouchement opposés à l’existence de la Charte canadienne (qui selon eux, remet entre les mains de juristes un pouvoir normalement détenu par le Parlement légitimement élu) sont soudainement de farouches défenseurs de la Charte des valeurs québécoises… Bizarre. C’est comme si une Charte qui soutient la majorité, c’est bon, mais une Charte pour préserver les droits et libertés des minorités, ça, non!

Aussi, de la même façon que je trouve nettement exagéré de qualifier de xénophobe le réflexe de certaines personnes de rejeter en bloc des comportements qui heurtent de plein fouet des acquis comme l’égalité homme-femme, je trouverai ici nettement exagéré de panser la plaie des accommodements religieux (bravo pour le changement de terme, en passant) avec une surdose de morphine étatique que serait une nouvelle charte.

C’est un ami qui m’a fait réaliser la chose récemment.

« Cette charte, c’est au fond la même chose: une béquille pour un peuple qui marche le dos courbé faute de se tenir debout et d’affirmer au quotidien et à chaque instant ce qu’il est, ce qui l’anime et ce qu’il veut préserver et affirmer. A-t-on besoin de faire ce cirque pour remettre à leur place des intégristes musulmans? »

Parce que, avouons-le, c’est bien de cela dont il s’agit, non? Pourquoi diable y voir autre chose? Oui, oui, je le sais. Tout ça, c’est pour charmer l’électorat et aboutir à la souveraineté…

En fait, la stratégie péquiste m’apparaît très claire. À terme, le but visé est que les Québécois se retrouvent devant un choix: l’adhésion à un Canada, à sa charte et au multiculturalisme ou l’adhésion au projet péquiste de la souveraineté du Québec avec ses trois chartes dont celle portant sur les « valeurs québécoises ».

Mais oublions les questions d’ordre stratégique pour l’instant. La question de fond mérite qu’on s’y penche. Il demeure que le Québec a eu recours à une intervention massive de l’État durant cette période que l’on a nommée la Révolution tranquille pour effacer d’un trait de grands pans de son héritage socio-culturel. Encore aujourd’hui, il recourt à une intervention massive de l’État pour soutenir une économie anémique à coups de subventions.

Après avoir tenté de purifier (selon Pierre Simard) encore davantage (ou décontaminer dirait Lise Ravary) les petits Québécois avec une radicalisation encore plus poussée de sa Charte de la langue française (Loi 14), voilà qu’on voudrait maintenant éradiquer la présence de tous les signes religieux de l’État-employeur, qu’ils soient en contact direct avec le public ou non, dans un cubicule ou non ou encore qu’ils s’occupent de faire l’entretien des lieux ou d’arroser les plantes.

Honnêtement, je peux comprendre que l’on trouve discutable le port du voile des enseignants dans les écoles primaires et secondaires; ne vient-il pas teinter de façon non équivoque l’autorité que détient l’enseignant? Mais interdire le voile des enseignants dans les collèges? les universités? chez les élèves de tous les niveaux scolaires? Je ne vois sincèrement pas en quoi cela nous protège contre des pratiques de discrimination homme-femme, en autant que ces élèves ou ces employés adoptent le code de vie et les moeurs présentes dans les institutions en question.

Comment, en effet, ne pas être estomaquée devant le fait que 57 % des Québécois d’expression française soient en accord avec l’idée qu’il faille «interdire tout signe religieux sur la place publique», contre 43% chez les non-francophones. Comme on dit, êtes-vous virés sul’top, le monde?

Vous imaginez ça dans le domaine du possible, une interdiction tout azimut de signes religieux dans l’espace public? Vous êtes sérieux là? Imaginez-vous qu’il soit possible pour une police de la déviance religieuse de procéder à l’arrestation d’une personne qui porte le voile? la kippa? le turban sikh? Bon. Ça vous fait peut-être du bien de l’imaginer mais sérieusement, le monde, croyez-vous qu’une solution mur à mur aussi drastique de ce genre imposerait le respect de l’égalité homme-femme, la liberté d’expression et d’opinion et la séparation de l’Église et de l’État? Je le sais. Dans le fond, vous n’y croyez pas.

Dans le fond, vous êtes peut-être plus raisonnables et moins anti-religieux que les sondages peuvent laisser voir. Dans le fond, les sondages mettent en relief les accommodements qui 1) heurtent le principe de l’égalité homme-femme, 2) exigent des réaménagements coûteux aux frais des contribuables, 3) imposent aux entreprises des contraintes supplémentaires et coûteuses sur les lieux de travail.

Accommodements

Pas si drastique que ça, en fait. Des mesures qui auraient très bien pu s’orchestrer par des règlements, un cadre, des directives… à la condition que les gens se tiennent debout et n’aient pas peur de les imposer. Mais une 4e Charte? Déjà que le principe de l’égalité est déjà inscrit dans la Charte des droits et libertés du Québec.

En outre, le principe d’égalité des citoyens, en particulier des hommes et des femmes (ce à quoi la population tient le plus), se trouve déjà dans la Charte québécoise des droits et libertés. – Confusion, de Mario Roy

S’il y avait nécessité absolue d’encadrer davantage les demandes d’accommodements religieux, il est prévu, toujours à l’article 9.1 de la Charte, que : « La loi peut, à cet égard, en fixer la portée et en aménager l’exercice. » Alors, pourquoi vouloir ajouter une autre Charte ? – Lire ici Jean Gouin

Absolument fascinant de remarquer également l’écart entre les appuis des francophones (65%) versus ceux des anglophones (25%) et allophones (33%), pour ce qui est de trouver que la Charte est une bonne idée. Encore qu’un sondage pan-canadien révélait que 42% des Canadiens (ce n’est pas rien!) appuyaient l’idée de bannir les signes religieux dans la fonction publique. Curieusement, les Canadiens d’allégeance conservatrice (49%!!!) sont ceux qui appuient le plus l’opinion majoritaire des Québécois. Curieux, non? Ah! Ces valeurs québécoises…

Supporters of the Conservative party, whose values are supposedly different from Quebec’s, were more likely to side with Quebec opinion on this issue. 49% of Conservatives approved of the ban, to 42 per cent who disapproved. – The Gazette

Alors, détrompons-nous et ne succombons pas à la propagande. Le problème n’est ni le multiculturalisme « canadian » (terme qui n’a pas sa place dans ce débat puisqu’il est essentiellement question d’accommodement religieux) et il n’est pas non plus la profusion des signes religieux dans l’espace public! Le problème résulte essentiellement d’une peur (justifiée) de l’intrusion de moeurs jugées barbares et d’un autre temps. La peur de subir le choc des civilisations, comme le soutenait Samuel Huntington.

La vérité, c’est que ce que cette peur est essentiellement reliée à la culture islamique. La vérité, c’est que même s’il ne s’agit que d’une minorité radicale et extrémiste, c’est tout de même une minorité radicale et extrémiste islamique. Une minorité qui, si elle n’est pas neutralisée, neutralisera et rendra totalement non pertinente une majorité silencieuse qui, par son silence, sera sa plus grande complice. (Lire mon blogue Le droit de juger).

Alors oui, soyons vigilants. Défendons nos libertés fondamentales, mais de grâce, soyons également vigilants pour ce qui est des mesures draconiennes qui pourraient nous être soumises. Le politique ne mérite pas tant notre confiance. Et comme on le voit ailleurs en Occident, aucune loi n’arrive à étouffer l’expression sporadique des intégristes radicaux et les dégâts qui en résultent. Le mieux, c’est encore de prévenir la chose par des politiques d’immigration compatibles avec nos valeurs occidentales et ça, c’est malheureusement un autre sujet de discussion.

Source de l’image: Ici

10 réflexions sur “Besoin d’une 4e charte: vraiment?

  1. Les péquistes se déshonorent. Toutes les astuces et pièges sont utilisés pour venir à bout de la majorité silencieuse. Tromper et tricher pour la Cause..

    Un pays gagné en trichant?

    « L’ambition » d’un peuple serait le totalitarisme doux? Réveillez-vous!

    L’inconscience collective est désolante.. On ne joue pas ainsi l’avenir de nos enfants.

    Va-t-il falloir attendre que la génération des boomers nostalgiques disparaissent pour voir le Québec enfin délivré d’un attrait certain pour la mortification.

    Se sent-on coupable d’être trop libre?

    Oui restons vigilants dans le dossier de l’immigration mais refusons de laisser à l’État le pouvoir sur nos vies.

    L’État ce n’est pas de l’abstraction. L’État est composé d’êtres humains imparfaits qui grenouillent et qui magouillent plus souvent qu’autrement.

    Nous n’aurions finalement pas la maturité pour assumer les acquis de la révolution tranquille?

    Avancer par en arrière! Tout ça pour ça?

    Veux-t-on laisser les Cariboux conduite le troupeau dans le ravin?

    • Nous sommes une société démocratique et évoluée. Nous avons crée une charte québécoise ( rené levesque) a cet effet. Que des gens venant de pays sous évolué se servent de nos chartes pour nous faire suer,ils le peuvent. Par contre on ne peut pas légiférer le bon sens et nos convictions personnelles de vie qui nous permettent de dire NON a leur exigences. Laissons les nous poursuivre s’ils le veulent. Mais comme bons Québécois,nos nous en remettons a notre bon gouvernement pour nous aider a avoir du courage.

  2. Pour une fois je suis en désaccord avec vous, Mme Marcotte. Oui, cette charte vise à contrer les Islamistes intégristes. Voyez ce qui se passe en France, en Angleterre, en Belgique, en Australie……ces pays avec beaucoup de multiculturalisme. Nous n’aurions pas besoin d’une charte si nos immigrants venaient d’Europe, mais la plupart provient de pays musulmans FRANCOPHONES. Ils quittent des pays parce que les droits humains sont bafoués et ils veulent reproduire la même chose ici. … C’est quoi l’idée. Je ne comprends pas…..À tous ceux qui veulent reproduire ici ce qu’ils avaient dans leur pays d’origine, je dis de retourner d’où ils viennent…vous n’êtes pas obligés de rester ici.

  3. Je suis d’accord avec l’ensemble de votre commentaire.
    Le seul problème réel en matière religieuse que nous avons c’est avec les intégristes musulmans. Au lieu de s’attaquer à ce problème, le PQ veut imposer une solution à tout le monde. Je suis d’accord avec vous, ça ne règlera rien. Il ignore volontairement que la liberté religieuse est un droit fondamental. Il fera tout pour le restreindre. Alors pourquoi le fait-il?
    À mon avis, c’est parce qu’il est foncièrement anti-religieux et il se sert du problème avec ces intégristes pour discriminer toutes les religions. Alors pourquoi est-il anti-religieux?
    C’est parce qu’il est de gauche et que c’est un dogme de la gauche que la religion serait « l’opium du peuple »; alors c’est aussi comme ça que la première ministre veut libérer le peuple québécois.
    Elle veut faire adopter une Charte pour se donner une crédibilité morale. Je soupçonne la gauche de vouloir instituer un État athée, comme ont tenté le faire les communistes. C’est-à-dire que les valeurs morales ne seront plus l’affaire de la religion; mais de l’État de gauche. Cette charte est un pas de plus dans cette direction.
    Lorsque le PQ a enlevé l’enseignement confessionnel dans les écoles, il a préalablement amendé la Charte québécoise; parce que c’était aussi un droit fondamental reconnu internationalement. C’est ça les valeurs québécoises.
    Encore chanceux que nous ayons aussi la Charte fédérale.

  4. Ce projet de charte ressemble à une solution qui se cherche un problème.
    Pour donner au bon peuple l’impression qu’il agit, le gouvernement encadre, légifère et des morceaux de liberté disparaissent.
    Ces gens-là ne semble pas saisir la différence entre agir et s’agiter.
    C’est quoi cette manie de mettre le mot québécois partout? Les valeurs québécoises sont-elles si différentes des valeurs universelles? Sûrement pas pour moi.

  5. Antitribu,
    Exactement ce que je pense?

    Ce gouvernement du PQ est en train de virer la province à l’envers. Et je les soupçonne d’essayer de nous entrer dans la « cage à homards » en nous enlevant notre libre arbitre. Depuis des générations, nous les avons nos valeurs québécoises et nous savons comment les vivre pour le bien de la démocratie.

    Et, la laïcité à tous crins, c’est comme ouvrir un panier de couleuvres remplie à ras bord. Ça va être beau quand ça va sortir les unes après les autres et que ça va ramper de tous les côtés. Ça nous donne de plus en plus l’ envie de « sacrer notre camp » hors de cette province devenue invivable. Moi, je suis vraiment écœurée des folies de ces rêveurs, qui s’amusent à réparer les pots qu’ils ont cassés, plutôt que de s’occuper des vrais problèmes du monde.

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  8. désolé, plus aucun immigré (es) (s) pour au moins le 10 prochaines années, assimilons a nos valeurs ceux qui sont ici après ont verra!!!!

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